Bitcoin démystifie le système monétaire et démontre qu’il peut être pris en main par les citoyens. Mais Bitcoin ne résout pas les vices du modèle actuel. D’autres modèles plus éthiques existent, mais ils ont besoin d’un soutien massif pour accélérer leur développement.
Les crypto-monnaies ouvrent le champ des possibles
L’un des grand intérêt de Bitcoin, c’est qu’il permet de se poser les bonnes questions sur le fonctionnement monétaire actuel, d’en comprendre ses dysfonctionnements, de faire de l’éducation populaire sur le sujet. Bitcoin prouve aussi qu’il est possible qu’un nouveau système soit approprié par des millions de personnes, voir même des Etats, et cela en très peu de temps.
Participer au développement de ces nouveaux outils permet de redonner beaucoup d’espoir pour trouver des solutions à ça :
- La masse monétaire US a triplé en cinq ans sans effet sur l’économie réelle
- Les 8 plus riches du monde possèdent autant que les 3,6 milliards les plus pauvres
Bon, malheureusement, Bitcoin a une répartition monétaire ultra dangereuse, puisque plus ça va, plus il incite à faire tourner des processeurs dans le vide juste pour créer de la monnaie. Une folie écologique, économique, sociale, etc… Pire, 50% de la masse monétaire a déjà été distribuée dans les mains de seulement quelques uns. Bref, Bitcoin concentre la monnaie de manière aussi injuste que le système actuel. Bitcoin n’est pas une monnaie libre.
Des solutions plus éthiques voient le jour
D’autres solutions portées par des citoyens courageux (au sens « agir avec le coeur ») émergent pour proposer des modèles plus éthiques. OpenUDC semble ainsi être le premier système pensé sur une autre théorie monétaire : La théorie relative de la monnaie, développée par Stéphane Laborde. Cette théorie propose une répartition équitable de la création monétaire dans l’espace et dans le temps. Ce qui amène à la constitution d’un revenu de base déjà conséquent. Un peu comme au Monopoly, sauf que l’argent donné au départ varie au fil du temps, ce qui permet de rendre le jeu infini, sans perdants… Pas comme aujourd’hui, où celui qui vient d’un pays pauvre se voit proposer des crédits à plus de 20% d’intérêts (et encore, seulement quand ce sont des ONG qui s’en occupent) juste pour commencer à avoir un peu d’argent dans la vie… L’idée de cette théorie, c’est que chaque personne reçoive autant au cours de sa vie, peu importe si elle arrive dans le système maintenant ou dans 40 ans, et peu importe le lieu. Pensée avec une unité « relative » à la masse monétaire par citoyen, plutôt que « quantitative », la monnaie ne subit plus d’inflation…
Dernièrement, une version dérivée d’OpenUdc est sortie, appelée Ucoin et basée sur les mêmes principes, mais sur une autre technologie, Node.js, à mon sens plus appropriable. Cette version devrait être bientôt testable.
Les monnaies libres ont besoin de nos soutiens
Le problème d’OpenUDC ou de Ucoin, c’est que ces systèmes pour créer des monnaies sont trop éthiques et innovants pour que leur développement soit soutenu par l’acteur public ou privé de manière classique… Il faut un soutien financier citoyen pour permettre aux développeurs qui bossent sur ces projets de pouvoir dédier du temps autrement que juste le soir ou le weekend. Sans nous tous, nous risquons d’avoir besoin de trop de temps pour permettre l’émergence d’outils très fonctionnels. Dommage vu l’urgence et l’importance d’expérimenter ces outils, et face à la montée des critiques de Bitcoin, qui risque de décrédibiliser le potentiel de ces monnaies. On est un peu comme au début de wikipedia, où il a fallu plusieurs années pour réussir à financer des serveurs convenables… Sauf que l’enjeu de ces monnaies est bien plus important qu’une encyclopédie mondiale, il est ici question de la colonne vertébrale autour de laquelle s’organise nos sociétés et nos vies. Bref, il y a urgence à soutenir ces développements, en particulier sur Ucoin, qui me semble prometteur à court terme. Le don, c’est aussi une reconnaissance de l’investissement qui motivera les équipes derrière ces projets, en attendant que nous puissions utiliser ces outils monétaires.
Pour info, avec gittip, il est possible de faire des « micros-dons » réguliers, de 20c à 100$ par semaine. Les développeurs de l’équipe choisissent ensuite combien ils prennent de rémunération de manière totalement transparente. Gittip est une plateforme libre, qui se rémunère elle même par le don.
La prochaine étape, ce sera sans doute de coupler un système monétaire de type Ucoin avec des outils de soutiens par le don de manière anonyme comme Gittip. De quoi peut-être nous diriger vers de nouvelles pratiques sociales, basées sur une économie du don, qui, je l’espère, nous permettront de réduire en partie l’usage de la monnaie….
Pour en savoir plus :
- Le site de Ucoin
- Le forum de discussion autour de Ucoin
- http://fr.wikipedia.org/wiki/Monnaie_libre
- http://wiki.creationmonetaire.info/
- 2h20 de radio sur le sujet : http://www.f.0x2501.org/p/019/
- http://ouishare.net/fr/2013/07/game-over-bitcoin-monnaie-virtuelle/
- http://www.slate.fr/story/82525/autorites-bitcoin
Photo CCBYSA2.0 by antanacoins
Galuel
C’est un très bon post.
Juste sur la partie « financement », elle n’a pas vraiment de sens. On ne « finance pas » une monnaie libre. On participe à son développement, puis une fois développée on l’adopte et on l’utilise, ET DONC il s’ensuit que l’on peut librement financer ou se faire financer, sans dépendre d’un centre privateur de libertés.
De toutes les valeurs économiques, une monnaie libre est celle qui est commune, et donc elle ne se finance pas. On peut y contribuer aussi par des dons, ou par des explications que l’on donne à autrui, comme tu viens de le faire par ce post. En réalisant ce post tu as infiniment plus contribué au développement d’une monnaie libre que celui qui n’a fait que le lire.
simons
En effet, ça peut prêter à confusion. Je viens de modifier en ce sens.
Tristan
Bonjour,
Je suis a priori sceptique sur la monnaie libre, mais suis ouvert à une contre argumentaiton qui permettrait de changer d’avis. Des alternatives qui changent vraiment la donne et sont réalistes sont rares aujourd’hui.
Si votre monnaie coexiste avec d’autres monnaies, il va nécessairement s’opérer une convertibilité entre les deux, que ce soit « institué » ou « sous le manteau ». Donc s’il y a une émission régulière de cette monnaie, un dividende universel comme vous l’appelez, distribué à tout le monde de façon égale et sans remboursement (donc sans destruction monétaire de la somme remboursée, venant compenser en partie la monnaie quotidiennement créée), vous avez une création monétaire potentiellement importante, et disproportionnée à la variation de la création de richesse. Je ne suis pas un monétariste dogmatique, et peux entendre qu’il y ait d’autres causes de l’inflation. Mais cela ne retire rien de ce risque inflationniste. Alors peut être que vous n’avez rien contre l’inflation, que vous souhaitez assumer l’idée d’une monnaie volontairement en constante dépréciation. Mais c’est problématique, ce n’est déjà plus vraiment une monnaie, et le simple fait d’anticiper son inflation en poussera certains à s’en débarrasser au profit d’autres monnaies ayant un vrai rôle de réserve de valeur (ce qu’on appelle la loi de Gresham, ce qu’on observe dans l’Espagne du XVIème siècle, le Zimbabwe de Mugabe, les économies dollarisées d’Amérique Latine…). Et vous pouvez en appeler à la vertu, à l’attachement de chacun au principe d’un revenu universel, qui libère du travail contraint et égalise les conditions matérielles, mais si tout le monde n’est pas convaincu, comment ça pourrait marcher ? Si vous prenez le contrôle de la FED, la BCE et quelques autres banques centrales d’importance, je veux bien y croire. Mais dans les autres cas, qu’est-ce que je n’ai pas saisi qui vous permet néanmoins de mettre ne place ce système de monnaie libre ?
Cédric
Bonjour Tristan.
Déjà, n’ayons pas peur des mots : une monnaie libre voit sa monnaie quantitative augmenter de manière exponentielle. C’est-à-dire, si l’on vise la symétrie et avec une espérance de vie de 80 ans, que l’on applique un taux annuel de 9,22% d’augmentation de la masse monétaire : concrètement, celle-ci double tous les 8 ans, décuple tous les 26 ans, centuple tous les 52 ans.
Quid de l’inflation, donc ? Premièrement, on peut ne pas en voir selon que l’on observe la masse monétaire quantitativement (en nombre d’unités – oui) ou relativement (nombre de Dividende Universel – non). En admettant que l’on soit dans le 1er cas, à terme, il y aura très probablement inflation. Et alors ? En quoi cela devrait-il être un problème ? Qu’une baguette coûte 10 unités de votre salaire de 1000 ou 0,10 de votre salaire de 10, je ne vois pas du tout de différence.
Mais plus important : dans votre discours, je note que vous considérez qu’une monnaie doive remplir le rôle de réserve de valeur – sous-entendu constante dans le temps (vous dites « une monnaie en constante dépréciation […] n’est plus vraiment une monnaie ») . Or, cela est totalement incompatible avec les fondements d’une monnaie libre : on souhaite justement ne pas favoriser une valeur plus qu’une autre, dans l’espace et dans le temps. Une monnaie qui valoriserait les anciennes valeurs au détriment des nouvelles ne pourrait pas se permettre d’instaurer le DU, puisque celui-ci est mécaniquement incompatible avec la conservation « éternelle » de valeur, puisque l’unité a naturellement tendance à se diluer devant toutes les autres nouvellement émises. Des monnaies réserves de valeur existent déjà : ce sont notamment les monnaies dominantes. Respectent-elles le droit de vote économique de chacun ? Non, clairement. Pourquoi ? Parce que chaque individu ne se voit pas créer la même part relative de monnaie, à tout instant et a fortiori au cours de sa vie. Il n’a donc pas de droit de vote économique.
Quant au fait que certains anticiperaient l’inflation, je dirais qu’ils feront bien ce qu’ils veulent : s’ils sont commerçants, ils se soumettraient alors au règles de la concurrence ; s’ils souhaitent stocker de la valeur, alors utiliseraient leur monnaie pour le faire (vous dites « jeter » la monnaie libre, ce qui est assez révélateur). Encore une fois, je n’y vois aucun inconvénient : ils utilisent alors librement leur part de monnaie, et anticipent – à tort ou à raison – la part de monnaie des autres.
Pour résumer, selon moi vous butez sur le concept « monnaie = réserve perpétuelle de valeur », qui n’est jamais qu’un point de vue tout à fait relatif de ce que doit être une monnaie. Un système de monnaie libre propose un autre paradigme : celui où chaque individu est égal devant l’outil monétaire.
simon
Oui pour la convertibilité tout comme le bitcoin est aujourd’hui convertible. Il y a toujours des gens qui seront prêts à échanger, ce qui déterminera la valeur du taux de change avec d’autres monnaies.
Et oui, la création monétaire est importante. Même si il me semble que ce ne sera pas plus à priori qu’aujourd’hui. Sauf qu’aujourd’hui, elle n’arrive pas dans l’économie réelle et est détenue par quelques uns.
Cette création monétaire est même de plus en plus importante en valeur quantitative, puisque chaque mois, les nouveaux entrants reçoivent plus que précédemment. Mais en relatif, c’est stable. Car dans cette monnaie, on compte en unité relative (en nombre de dividende universel – DU). La masse monétaire par individu est donc fixe et limitée. On crée toujours des unités monétaires quantitatives, assurant aux individus la même part relative de la création de monnaie durant leur temps d’existence au sein du système monétaire. Mais en unités relatives, il n’apparaît pas de création monétaire (http://fr.wikipedia.org/wiki/Monnaie_libre#.C3.80_propos_de_l.27inflation). Stéphane Laborde m’expliquait avoir pu jouer au Monopoly de manière infinie en appliquant ces règles de création monétaire.
Pour la FED ou la BCE pas besoin d’attendre leur mobilisation. La preuve avec Bitcoin qui est en train d’être accepté par les états sans l’aval de ces entités. Et qui fonctionne sans « centralisation » : Internet et les dernières avancées en terme de cryptographie suffisent pour créer un tel système directement entre citoyens. Maintenant, j’espère que ces organisations, qui sont censées être au service de tous, finiront pas comprendre l’intérêt de supporter ce mode de création monétaire. Ainsi que les outils décentralisés de gestion monétaire, qui permettent de ne plus avoir tous ces coûts liés aux multiples intermédiaires (en Bitcoin, il est enfin possible d’envoyer de l’argent dans les pays du sud sans payer les plus de 10% de comission…).
Tristan
Bonjour,
et merci Cédric et Simon pour vos réponses, qui néanmoins ne me satisfont pas entièrement. La monnaie n’a pas de valeur intrinsèque, elle est avant tout une convention, reposant sur une confiance intersubjective, c’est à dire la confiance de chacun en la valeur que les autres accorderont également à cette monnaie. C’est une convention qui n’a pas été créée aussi rapidement que les monnaies libres actuellement en émergence, mais qui a été instaurée progressivement, assise sur la crédibilité de pouvoirs souverains (les différentes monarchies), la confiance en chaque devise reposait sur la puissance politique, sur la crédibilité de ceux qui battaient monnaie. Ce n’est qu’une fois ce pouvoir solidement ancré que la monnaie fiduciaire, de simples bouts de papiers avec écrit 100F ou 100 £ a pris toute son importance et s’est autonomisée de la valeur en monnaie métallique (argent, or) stockée dans une banque dont elle était censée être la contrepartie. Cette monnaie, on lui accordait une confiance tant que la planche à billet ne tournait pas à plein régime. Et les banques centrales encore aujourd’hui gardent une crédibilité parce qu’elle n’affichent pas haut et fort, même quand elles le font, assumer une augmentation future importante de la masse monétaire. Elles gardent la prétention que la monnaie reste une réserve de valeur. Si une nouvelle monnaie ne le prétend pas, elle perd d’emblée sa crédibilité. Car une convention sur la valeur d’une monnaie dépend du discours qui est porté par l’institution émettrice. La monnaie que vous prétendez fonctionne à l’inverse de la prétention du Bitcoin. Sauf erreur de ma part, le Bitcoin est conçu pour atteindre à une date donnée une masse stable et déjà définie dès le départ, sans bouger par la suite. La masse monétaire créée est donc dès le départ prévue par un algorithme pour être limitée. En outre, si je ne me trompe pas, des bitcoins sont déjà reçu par ceux en ayant déjà quand d’autres créent leur compte bitcoin, donnant ainsi intérêt à être parmi les premiers à avoir un compte, selon un schéma proche du Sponzi, ce qui peut expliquer en partie la ruée vers le Bitcoin, pour faire partie des « gagnants ». Au contraire, personne n’a vraiment intérêt à se presser de faire partie des allocataires de la monnaie que vous proposez, tant qu’elle n’est pas utilisée massivement, puisque les dividendes futurs représenteront toujours plus (en valeur nominale) que les dividendes présents, comprimant constamment la valeur des actifs passés. Ce que vous proposez est un formidable outil d’égalisation des conditions, mais à condition que ce système soit adopté. Cédric nous dit « Des monnaies réserves de valeur existent déjà : ce sont notamment les monnaies dominantes. » Effectivement, les monnaies réserves de valeur sont les monnaies dominantes, au détriment des autres monnaies. Si vous anticipez l’inflation concernant une monnaie, justement parce que son émetteur ne prétend pas se préoccuper de l’inflation, vous n’aurez pas envie d’accepter de recevoir cette monnaie comme moyen de paiement, sauf dans un montant supérieur à ce qu’elle est censée valoir au moment du paiement, puisqu’elle continuera à perdre de la valeur une fois dans vos mains, avant que vous n’en ayez vous même l’usage. Sinon vous y perdez vous même. Ce faisant, le taux de change de cette monnaie contre les monnaies dominantes aura déjà baissé par anticipation, alimentant par la même occasion l’inflation, la précipitation à souhaiter se débarrasser de cette monnaie pour stocker la valeur sous une forme plus fiable. C’est la loi de Gresham encore une fois, contre laquelle vos bons sentiments et votre souhait – juste mais irréfléchi en terme de mode d’action, il me semble très clairement – ne peut pas peser lourd. On ne peut pas opposer à des monnaies dominantes une monnaie qui avoue d’elle même – de par ses mécanismes – sa faiblesse. La masse monétaire ne varie pas en masse relative, dites vous, certes mais seule la valeur absolue compte. On ne résout pas le problème de l’inégalité de revenus, on n’instaure pas un revenu inconditionnel d’existence par le seul moyen d’une monnaie libre, par le biais d’un logiciel ou d’un système peer to peer qui en gère la création. J’aime beaucoup la philosophie de l’open source, mais sa promotion, a fortiori pour une monnaie libre, suppose l’accès au pouvoir, ne peut passer que par la politique. Le contrôle de la BCE par l’Union Européenne ( par son Parlement, par exemple, ou par des gouverneurs sélectionnés par les chefs d’État faute de mieux) serait certainement plus porteur. Plus que de créer un système parallèle dont on voudrait voir venir par un mécanisme inconnu l’avènement, l’utilisation par tous, il est plus réaliste (quoique ardu, je vous l’accorde) de changer le système existant.Si votre système marche, je serai le premier à vous rejoindre. Mais vous préoccupations me semblent trop légitimes pour que votre temps soit dilapidé dans un projet pris par le mauvais angle, celui de la création ex nihilo du nouveau système, de la négation de ce qui préexiste et s’impose à vous si vous n’imposez pas votre vision, c’est à dire la négation de la politique. Vous pouvez certainement vous impliquer dans des formes d’action plus efficace. Lisez Orléan ou Plihon par exemple, ou des livres sur l’histoire de la monnaie ou de la finance, pour vous en convaincre. Bonne soirée à vous.
Tristan
Au temps pour moi, quand j’évoquais la loi de Gresham (voir wikipédia), il ne s’agissait pas que de ladite loi à proprement parler, puisqu’il ne s’agit pas nécessairement ici d’une monnaie ayant un cours légal face à d’autre monnaie, puisqu’à ma connaissance, vous ne prévoyez pas de Banque Centrale chargée d’en défendre le cours. Il s’agit du cas d’une monnaie privée telle que Hayek la défendait, pour des raisons contraires aux vôtres puisqu’il s’agissait justement d’assurer mieux que tout autre monnaie le rôle de réserve de valeur, mais selon le même mécanisme, un échange de gré à gré faute d’institution de change. Pour contestable que soit son approche et ses finalités (un monde libertarien, pas de débat public, pas de politique, la liberté pour les seuls privilégiés qui ont les moyens, bref, la loi de la jungle), les arguments de Hayek contre la monnaie dite faible (on inverse juste ici les rôles entre monnaie privée et monnaie publique par rapport à sa proposition que la privée soit la plus forte) restent valables. Instaurer (malgré vous ?) un aspect d’une société libertarienne à travers une institution, la monnaie, en ayant à cœur d’égaliser les conditions de chacun en même temps n’est pas cohérent. Il faut se décider.
Cédric
Bonjour Tristan,
Tout d’abord, concernant le mode d’action : toutes les voies sont possibles. A titre personnel, je considère la pyramide décisionnelle existante comme manifestement corrompue et demandant des efforts colossaux pour demander ne serait-ce que le changement éventuel d’une simple virgule – si tant est qu’un tel changement soit considéré comme »sérieux« et »raisonnable« par ces mêmes décideurs. Bref, je n’y crois pas. Je n’y mettrais pas d’énergie. D’autres, oui, c’est leur choix et c’est tant mieux. Diversifions nos actions.
Ensuite, vous faites un comparatif avec Bitcoin : très bien. J’aimerais vous poser la question suivante : comment se fait-il qu’après 4 ans d’existence, celle-ci ne soit pas davantage utilisée ? Vous citez le Ponzi. Je pense que vous visez juste : les utilisateurs potentiels comprennent bien vite qu’ils sont arrivés « trop tard » et n’ont donc justement pas intérêt à utiliser cette monnaie. Au contraire, une monnaie libre n’exclue pas les futurs utilisateurs. Chacun est pris en compte, individu passé, présent et futur. Les choix économiques de chacun sont exprimables, au contraire d’une monnaie privatrice.
En fait, promouvoir une monnaie réserve de valeur est équivalent à dire « L’avis de nos enfants, on s’en fiche. Ils travailleront pour nous et nos valeurs. D’ailleurs nous savons ce qui est bon pour eux. ». En tant que génération future qui vient tout juste d’entrer sur le terrain économique, et ayant compris que la monnaie privatrice était très mauvaise pour moi comme pour les générations futures, je privilégierai dès que possible l’utilisation d’une monnaie libre. Et qu’importe que mes choix de valeurs se compriment dans le temps : je considère que je n’ai pas à les imposer aux autres, surtout pas aux générations futures qui n’auront d’autre hâte que me les renvoyer au visage.
C’est d’ailleurs en ce sens que se construit une monnaie libre : chacun est libre de l’utiliser ou pas, selon sa propre vision et ses choix de société. Il n’y a rien à imposer ici.
Quant à parler de monnaie « faible », je demande quelle monnaie est vraiment faible : celle qui est juste pour tous les individus ou celle qui impose les choix de quelque-uns, issus de l’ancienne génération ? Si déjà nous avions le choix, nous pourrions probablement nous faire un avis.
Bien à vous.
tdp4 hack coins
hehe yup highly sensitive for sure and its definitelly curse/blessing thing.I’m very artistic/creative. I write poetry and short stories, I play piano and just love good music in general. I never stay tottaly deppressed for too long though. I always find ways to cheer myself up. Do you suffer from it?
Anne
Et quid des monnaies locales complémentaires ? Elles ont l’avantage d’exister…certes elles ne sont pas libres et couplées à l’euro. Mais sûrement leur avenir passera t’il par une indépendance vis à vis de l’euro, surtout si celui-ci s’effondre…et je trouverais assez idéal que le revenu de base soit versé en monnaie locale. Résilience économique et transformation sociétale au programme !
Julien Béranger
Exact. D’ailleurs la plupart des monnaies locales sont tout simplement obligées (par la legislation française) d’être indexées sur l’Euro. Il est également vrai qu’elle n’hésiterons pas à couper les ponts si le vent commençait à souffler trop fort. Je pense au réseau SOL notamment.
simons
Une monnaie locale pourrait très bien se baser sur la théorie relative de la monnaie et utiliser Ucoin ou OpenUdc quand il seront fonctionnels pour se mettre en place. Il faudrait alors ajouter une règle dans le contrat de création monétaire, celle de la localité. Je n’ai pas assez réfléchi à la question des monnaies locales pour savoir si cela ferait sens, mais ça pourrait s’expérimenter.
Julien
Exact! Et on peut même imaginer des systèmes « mixtes », c’est-à-dire des monnaies locales backées sur plusieurs monnaies différentes…
Attention toutefois à la critique « protectionniste » des monnaies locales: il y a des pour et des contre. Je n’oserais pas trancher ici sur la question! Et dans tous les cas, c’est l’adoption par les citoyens (voire un post récent de Joel sur les « community currencies ») qui est horriblement difficile et c’est normal: on ne peut pas vendre n’importe quels 0 et 1 aux gens (et je ne dis certainement pas ça pour OpenUDC auquel j’adhère sincèrement)
simon
Pour débattre du sujet et construire une argumentation (pour et contre), un lien vers un espace de débat avec déjà pas mal de réponses : https://rizzoma.com/topic/0abc3e0b920f6b8ed06b3b8fc5765d11/.
Julien Béranger
Je m’étonne que cet excellent article ait échappé à mes radars… C’est lu!
Cher Stéphane, j’aimerais beaucoup connaître le « mode de survie » qu’à choisi OpenUDC… Cette question est très sensible (pas seulement pour les projets de monnaies complémentaires, d’ailleurs).
A défaut d’être une « monnaie libre » au sens accepté par la TRM, nous aimons beaucoup le modèle du prix libre à Evergreen. Difficile de dire la viabilité d’un modèle basé sur la générosité spontanée… Quant à nos amis investisseurs, ils font une drôle de grimace quand ils comprennent que le projet n’est pas orienté profit. Nous avons opté pour le business modèle de Skype.
Pour celles et ceux qui ne connaissent pas: Evergreen est un système de paiement sans aucun frais de transaction. Appli iPhone et Web (+Android) + QR cards (c’est-à-dire un code carré + code secret à 5 chiffres). Ca marche du tonnerre et vous allez en entendre parler! Quelques centaines d’utilisateurs, une quinzaine de prestataires, une équipe ultra-motivée. C’est aussi une monnaie électro indexée sur un panier d’actifs réels.
Elle n’est pas open-source mais on peut s’arranger. Elle est centralisée mais ça a ses avantages. D’ailleurs nous travaillons d’arrache-pied pour décentraliser certains éléments-clé (gouvernance, émission, protection).
Pour soutenir tel ou tel projet de monnaie (qui ne sont jamais vraiment « concurrentes » au sens ultra-cap du terme), il suffit à mon sens de tout simplement l’accepter dans nos échange. C’est une marque de confiance. Si celle-ci est déçue pour X raison, je ne donne pas plus d’une semaine à tel ou tel projet.
Forêt de Sherwood: http://greenz.io
Mince, j’ai oublié de parler du module de micro-paiement… Je ne voudrais pas abuser de l’amabilité de notre hôte.
Tristan
Pour revenir sur notre débat, un petit détour (en réalité un raccourci pertinent) philosophique, merci Pascal (pas le Turbo, mais Blaise) :
« Justice, force.
Il est juste que ce qui est juste soit suivi ; il est nécessaire que ce qui est le plus fort soit suivi.
La justice sans la force est impuissante ; la force sans la justice est tyrannique.
La justice sans force est contredite, parce qu’il y a toujours des méchants. La force sans la justice est accusée. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force, et pour cela faire que ce qui est juste soit fort ou que ce qui est fort soit juste.
La justice est sujette à dispute. La force est très reconnaissable et sans dispute. Aussi on n’a pu donner la force à la justice, parce que la force a contredit la justice et a dit qu’elle était injuste, et a dit que c’était elle qui était juste.
Et ainsi, ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste. »
Pascal
Ici ce qu’on pourrait qualifier de juste et souhaitable est une monnaie dont la nature lui empêcherait d’avoir un rôle de réserve de valeur. Mais c’est en même temps cela même qui l’empêcherait d’avoir la force, d’être entièrement reconnue comme monnaie et souhaitable pour elle même. L’inflation et la perspective de l’inflation lui ôtent toute force.
C’est pourquoi j’évoquais la nécessité d’un changement politique, renversant le rapport de force plutôt que l’émergence d’une monnaie promise à la fausse couche, à être morte née.
Je ne dis pas que la prise de contrôle d’une monnaie dans un sens démocratique chez nous la réforme du mandat de la Banque Centrale Européenne) soit simple voire même réaliste. Mais c’est en tout cas encore plus irréaliste d’espérer faire émerger par la base une monnaie faible dans son essence même.
Olivier Cortès
Bonjour,
Désolé par avance pour la longueur de ce commentaire, les éventuelles répétitions et la nature trop concise de certains points, qui méritent je pense plus de développement. Ça reste un commentaire.
La notion de « réserve de valeur » d’une monnaie est à mon sens une propriété « non-nécessaire », apparue comme vous le montrez à postériori de l’utilisation de la monnaie, et — à mon sens — complètement « sortie du chapeau » par les capitalistes. L’objectif d’une monnaie n’est certainement pas d’être gardée au chaud sur une étagère et observant sa valeur augmenter sans rien faire.
Aparté : c’est un des postulats de Bitcoin pour lequel je refuse de l’utiliser. C’est sans doute la propriété que Nakamoto a « ajouté » pour que les capitalistes actuels adoptent la monnaie et favorisent ainsi le basculement du système en place, par leur nombre. En cela Bitcoin n’est pas une solution définitive mais un simple outil de transition. Fin de l’aparté, on pourrait discuter sans fin, Nakamoto n’étant pas là pour expliquer ses motivations ni ses intentions.
En tant que « nouvel arrivant », je me sens complètement exclu du système existant — joue avec nos règles, dans notre bac à sable, ou alors tu n’auras rien —, et il est tel que je n’ai aucune envie d’y entrer, et encore moins que mes enfants y rentrent. Pourtant j’y suis contraint si je veux survivre, comme mes enfants y sont contraints. Le système est mondial, impossible de ne pas y entrer sans s’exclure. Où est la liberté ?
Pour moi, la monnaie doit être un simple moyen d’échange de biens et services à un instant T, et seule sa valeur relative est nécessaire pour vivre. Ce n’est pas une fin en soi, alors qu’avec la propriété de réserve de valeur, accumuler de la monnaie devient une fin. C’est malsain et perversif.
Avec une monnaie libre, à un moment donné j’aurai toujours ce dont j’ai besoin pour vivre. Pour les gros besoins ponctuels, un système participatif et distribué (à la manière des mutuelles, mais décentralisé/distribué) pourrait permettre un système de don suffisant pour pouvoir y répondre.
Fi des sécu, mutuelles, et autres assurances — au moins telles qu’elles sont construites aujourd’hui : nous n’en avons besoin que parce que le système est capitaliste et parce que la monnaie est une réserve de valeur. Avec une monnaie libre, ils deviennent beaucoup moins « nécessaires ». Encore une fois, il faut imaginer différemment — librement, hors des conventions actuelles — pour comprendre pourquoi ; ce commentaire n’y suffira pas.
Ce que vous définissez comme un problème des monnaies libres est pour moi un avantage. L’absence de « réserve » de valeur n’implique pas l’absence de valeur relative. Elle évite juste l’accumulation par les « vieux » du système au détriment des « jeunes » et je trouve ça sain. Personne n’est favorisé, tout le monde peut prendre part librement sans contrainte.
Mais il clair que redéfinir « au plus profond » les notions de travail, de monnaie, d’échanges entre les hommes, de construction d’une économie, d’égalité, peut-être même aller jusqu’à re-questionner la portée de la gouvernance d’un état — car nous sommes une nation, pas un état — et d’autres points essentiels, ne va pas se faire en un claquement de doigt, vu comme les systèmes en place combattent pour le rester, entretiennent la confusion et les amalgames dans l’esprit du public, et nous martèlent leurs « théories du bonheur », « travailler trop pour gagner moins » et autres archétypes sociétaux et relationnels d’un autre temps.
Pourtant, ces points n’ont pas été questionnés depuis des décénies, alors qu’ils ont été mis en place il y a bien plus de 80 ans, et alors que les édicteurs des lois actuelles seront morts dans 20 ou 30 ans tout au plus…
Ils édictent encore leurs lois pour leur système, sans même demander leur avis aux entrants d’aujourd’hui. Cf. http://www.laquadrature.net/fr/politique-culturelle-en-france-les-lobbies-font-toujours-leur-loi pour un exemple récent. Ce qui se passe dans la création est encore pire dans le système bancaire et monétaire. On le voit dans les politiques gouvernementales successives, la profondeur de la réflexion et la vision d’avenir sont dignes de « après nous le déluge »… Et à chaque couche de mensonge, on hypothèque un peu plus le futur et les biens communs de nos enfants.
En conclusion, l’on comprend bien pourquoi la notion de réserve de valeur apparaît essentielle dans le système tel qu’il est aujourd’hui : tout a été fait et continue d’être fait par les « anciens » pour nous le faire croire, car ça les arrange.
J’invite à remettre en cause cette propriété car elle me semble totalement obsolète et inutile dans un « autre » système, libre, indépendant et autonome. La théorie relative de la monnaie définit cependant l’essentiel : la valeur relative est fondée et portée par tous les individus qui constituent ce système, sans distinction. L’avancée est là.
Tristan
On est d’accord sur les principes, sur les valeurs, sur ce que l’on cherche, sur nos finalités. Maintenant tout ce que je dis et répète au risque d’être rébarbatif, c’est qu’une monnaie sans réserve de valeur c’est bien beau mais ça ne peut pas coexister avec des monnaies disposant d’un rôle de réserve de valeur, tous ceux ayant une capacité d’épargne changerait sa monnaie fongible pour celle qui se conserve. Et même sans coexistence des deux monnaies, on peut supposer que l’épargne serait stockée sous d’autre forme, achat de terre, d’immobilier, stock de marchandise non périssable, titres financiers, métaux précieux… La monnaie serait donc peu demandée pour elle même (ce qui n’est pas non plus une fin en soi, certes) et les réserves de valeurs, mêmes peu liquides, verraient leur prix augmenter. Mais la réserve de valeur restera, sous une autre forme que monétaire. La nouvelle monnaie n’aura rien changé à cela, elle ne sera juste pas demandé comme moyen de paiement car le commerçant lui préfèrera une monnaie fiable, non fongible. Et une monnaie dont personne ne veut comme moyen de paiement n’est pas une monnaie. On ne peut pas instituer une nouvelle monnaie en laquelle la confiance n’a pas d’autre raison d’exister que celle de la force des vœux pieux.
Si l’on veut s’attaquer à la cause plus fondamentale de l’attachement à la réserve de valeur, c’est la logique capitaliste qu’il faut remettre en cause. C’est la possibilité pour la réserve de valeur, autrement dit le capital de s’accroître, et donc de s’accumuler sans autre finalité que cette même accumulation pour elle même, c’est la puissance dévastatrice des intérêts composés et du rêve malsain d’une progression géométrique du patrimoine qui explique cette recherche de la réserve de valeur. Face à cela il y a des combats et des solutions plus pertinentes :créer des communs, des entités collectives, coopératives, associatives, contre la logique du profit(un article récent à ce sujet : http://www.bastamag.net/Les-communs-nous-offrent-davantage#nh1 ), imposer plus drastiquement l’héritage, socialiser ce qui devrait l’être… Une monnaie sans réserve de valeur ne peut pas précéder une réduction à portion congrue de la logique d’accumulation. C’est la remise en cause de cette logique qui permettrait de se détacher de l’attachement à la conservation de la valeur de la monnaie.
Cédric
« le commerçant lui préfèrera une monnaie fiable, non fongible »
Dire cela, c’est occulter complètement le flux de générations. Ne vous en déplaise, des gens naissent, des gens meurent, et les valeurs changent. Il n’y a *aucune* valeur absolue ni aucune *fiabilité* éternelle : que des variations imperceptibles.
Regardez simplement : l’immobilier, que l’on considère que une valeur sûre (haha) : savez-vous que des chinois sont capables d’en imprimer en 3D pour un coût dérisoire ? Les prix de ces valeurs vont s’effondrer, et je ne parle pas de moitié hein … nous sommes sur des échelles de 10:1. Mais vous pourrez trouver plein d’autres exemples ! Le disque, les charrettes, l’Ecu, le dollar, les actions dans la société bidule (aujourd’hui liquidée), etc.
Alors, fiable les valeurs ? Pas plus que la monnaie. Vouloir créer des réserves de valeur est voué à l’échec, puisque les valeurs sont intrinsèquement liées aux hommes qui ne sont jamais les mêmes : ils meurent, de nouveaux naissent, les valeurs changent.
Vous faites fausse route.
Olivier Cortès
> c’est qu’une monnaie sans réserve de valeur c’est bien beau mais ça ne peut pas coexister avec des monnaies disposant d’un rôle de réserve de valeur,
Je prétends que le rôle de « réserve de valeur » des monnaies actuelles est inventé de toute pièce et n’a aucune existence réelle. C’est un écran de fumée.
Les personnes qui contrôlent les monnaies *voudraient* que celles-ci soient une réserve de valeur, et s’emploient par tous les moyens de nous le faire croire depuis tellement de générations, en criant tellement fort, que l’on finit par le croire quelque fois.
À voir tous les efforts déployés pour « sauver » (de quoi ?) nos monnaies et nos économies, les sommes colossales et dépourvues de toute connexion avec le réel brassées et spéculées sur les places de marché réelles mais surtout virtuelles, les efforts faits par les russes et les chinois pour se séparer du dollar, les volontés grandissantes de sortir de l’Europe, etc… Croire que nos monnaies sont encore des réserves de valeurs, c’est ce voiler la face et pratiquer l’acharnement thérapeutique à croire dans un modèle de valeurs qui met trop longtemps à mourir.
Ceux qui ont construit ce modèle de valeurs — valable pour eux, et qu’ils nous ont imposé — sont morts depuis longtemps. Dans l’article de Simon, il est question de moyens pour construire le notre, qui nous correspond mieux et qui répondra aux besoins de nos enfants, justement en leur permettant de choisir librement le leur car ils n’auront pas les mêmes valeurs que nous.